Ré-endettement rapide des pays africains après l’initiative PPTE Le Sénégal ne peut pas se permettre de demander une annulation de sa dette, selon Mesmin Koulet-Vickot

Mesmin Koulet-Vickot,Représentant résident du Fmi au Sénégal

La question de la dette est redevenue une grosse préoccupation, surtout avec cette crise de la Covid 19. A la suite de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés), et l’annulation de la dette, beaucoup de pays africains se sont ré-endettés de manière très rapide. Maintenant, ils veulent une autre annulation,  parce qu’ils sont dans leur grande majorité, dans une situation très inconfortable.

Beaucoup de pays africains se sont rapidement ré-endettés après avoir bénéficié de l’initiative PPTE, un programme qui pour rappel  avait comme principal objectif : une annulation de la dette des pays africains, lesquels croulaient sous le poids de celle-ci. C’est le constat fait par le Représentant Résident du Fonds Monétaire International(FMI), au Sénégal, Mesmin Koulet-Vickot. Il participait ce jeudi 23 septembre 2021,  à une rencontre organisée par le Laboratoire de Recherche Economique et monétaire (LAREM), sur le thème : « Mobilisation des acteurs pour une gouvernance plus transparente, plus responsable des questions de dette publique ».

Le diagnostic fait par Mesmin Koulet-Vickot est alarmant. En ce moment, la dette publique représente 65 % du produit intérieur brut (PIB) africain, cela  après avoir chuté à 35%, à la faveur de  l’initiative PPTE, indique le Représentant Résident du FMI au Sénégal dans son intervention à cette rencontre. Les pays africains ont mal profité de l’espace budgétaire dégagé par l’annulation de la dette. Cette situation engendrée par ce ré-endettement rapide  fait que 25 % des recettes publiques, sont absorbés par la dette, selon Mesmin Koulet-Vickot. A l’en croire, 17% des pays africains sont sur la ligne rouge.  Comment en est-on arrivé là ? Le recours aux financements non concessionnels, les Euros  bonds notamment, le tarissement des financements concessionnels, les chocs exogènes et la pandémie de la Covid 19 constituent les facteurs pouvant expliquer cette situation de ré-endettement, d’après Mesmin Koulet-Vickot.

Que faut-il faire pour inverser la tendance ?

Les leviers sur lesquels on peut s’appuyer, pour inverser la tendance ne manquent pas, selon Mesmin Koulet-Vickot. Il faut réformer et changer de paradigme de développement. Pour le Représentant Résident du FMI,  réorienter les investissements sur les secteurs sociaux, procéder à un assainissement budgétaire, accroître les recettes publiques en augmentant la pression fiscale est primordiale. Il faut également procéder à une restructuration de la dette des pays africains, parce qu’elle  est devenue non viable pour bon nombre d’entre eux,  soutient Mesmin Koulet-Vickot. Des pays comme le Tchad et l’Ethiopie  ont déjà entamé ce processus, informe-t-il. Toutefois, a tenu à préciser le Représentant Résident du FMI au Sénégal, « ce n’est pas tous les pays africains qui ont une dette non viable ».

Faut-il annuler la dette des pays africains ?

La position de Mesmin Koulet-Vickot est à l’opposé de celles des activistes de la société civile et de la grande majorité des gouvernants africains. D’après lui, il s’agit d’un sujet très compliqué. Le processus pour une annulation de la dette peut prendre beaucoup de temps, ajoute Mesmin Koulet-Vickot. Pour étayer son argumentaire, il a donné l’exemple de l’initiative PPTE. Concernant le cas du Sénégal dont le chef de l’Etat, Macky Sall est même à l’avant-garde de la bataille  pour  une annulation de la dette des pays africains, Mesmin Koulet-Vickot (qui a pris le soin d’enlever sa casquette d’agent du Fmi), pense « qu’il n’est pas dans l’intérêt du Sénégal de demander une annulation de sa dette ». Une telle demande à l’en croire, serait mal perçue par les créanciers du Sénégal. D’autant que considère Mesmin Koulet-Vickot, le Sénégal après s’être rendu à plusieurs reprises sur le marché des Euros bonds, est désormais considéré comme un Etat évoluant dans la cour des grands. « Le privé international pourrait considérer une telle demande,  comme une impossibilité de la part du  Sénégal de tenir ses engagements. Ce qui aurait comme conséquence de faire revenir le Sénégal  dans la cour des petits », avertit le Représentant Résident du FMI au Sénégal.